Madagascar : Le séisme institutionnel des Arrêts n°09 et n°10-HCC/AR — Vers une reconfiguration totale du pouvoir ?

ANTANANARIVO – La veille de Noël 2025 restera gravée comme un tournant décisif dans l'histoire de la "Refondation" à Madagascar. Par deux arrêts retentissants, la Haute Cour Constitutionnelle a scellé le sort de deux figures de proue de la vie politique : le Général Richard Ravalomanana et Lalatiana Rakotondrazafy. Au-delà des simples sanctions parlementaires, ces décisions marquent le début d'une purge institutionnelle sans précédent.

POLITIQUE

Rakoto

5/8/20242 min temps de lecture

Les faits : Une "démission d'office" pour absentéisme

Saisie par le Président du Sénat par intérim, la HCC a rendu le 24 décembre 2025 les Arrêts n°09-HCC/AR et n°10-HCC/AR. Le motif invoqué est strictement juridique : l'absence totale des sénateurs Lalatiana Rakotondrazafy et Richard Ravalomanana durant l'intégralité de la deuxième session ordinaire de 2025, dite session budgétaire.

Bien que les deux parlementaires aient déposé des lettres d'excuses, la Cour a jugé qu'elles étaient dépourvues de pièces justificatives valables. En application de l’article 8 du règlement intérieur du Sénat et des articles 80 et 118 de la Constitution, la HCC a officiellement constaté leur « démission d'office ».

L’impact immédiat : La chute des boucliers juridiques

L'impact le plus direct de ces arrêts est la perte immédiate de l'immunité parlementaire. Pour le Général Richard Ravalomanana, ancien Président du Sénat et Chef de l'État par intérim fin 2023, ce retrait a déclenché une intervention quasi instantanée de la Gendarmerie nationale à son domicile d'Ambatovinaky.

Pour Lalatiana Rakotondrazafy, figure médiatique et ancienne ministre influente, cette décision marque également une rupture brutale avec sa protection législative, la rendant vulnérable à d'éventuelles poursuites judiciaires dans un climat où le pouvoir de la "Refondation" semble vouloir faire table rase du passé.

Le contexte politique : La montée en puissance de la "Refondation"

Ces arrêts ne peuvent être compris sans analyser le contexte de crise profonde qui secoue Madagascar depuis octobre 2025. La décision n°10-HCC/D3 du 14 octobre 2025 avait déjà sidéré l'opinion en constatant la vacance de la Présidence de la République et de la Présidence du Sénat, confiant les rênes du pays à une autorité militaire incarnée par le Colonel Randrianirina Michaël.

Les arrêts du 24 décembre apparaissent ainsi comme la suite logique de cette transition :

  1. Neutralisation des anciens alliés : En écartant Ravalomanana et Rakotondrazafy, le nouveau régime neutralise des acteurs qui disposaient encore de leviers de pouvoir institutionnels.

  2. Légitimation par la rigueur : La HCC utilise des motifs administratifs (l'absentéisme) pour valider des évictions politiques, une stratégie qui vise à donner une apparence de légalité stricte à une période de transition mouvementée.

  3. Renforcement du contrôle militaire : Avec l'éviction des "poids lourds" civils et militaires de l'ancien système, le champ est libre pour la consolidation du pouvoir par le directoire actuel.

Quelles perspectives pour Madagascar ?

L'instabilité actuelle soulève des questions cruciales sur l'avenir de la démocratie malgache. Si le pouvoir de la Refondation prône une rupture avec l'impunité, l'opposition et certains observateurs internationaux s'inquiètent d'une dérive autoritaire où la justice constitutionnelle deviendrait un outil d'élimination politique.